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pour ma santé, et dans les lieux les plus écartés, je ne me laissais voir à personne, et m’absorbais dans le travail le plus obstiné.

Mais si je fuyais les Français, les Français ne voulaient pas me fuir, et pour mon malheur, celui de leurs généraux qui commandait à Florence, tranchant du littérateur, voulut faire connaissance avec moi, et très-honnêtement il se présenta deux fois à ma porte, toujours sans me trouver, car je m’étais arrangé de manière à ce que jamais on ne me trouvât. Je ne voulus pas même lui rendre politesse pour politesse, et lui renvoyer ma carte. Quelques jours après il me fit demander de vive voix, par un message, à quelle heure je pouvais être chez moi. Quand je vis qu’il s’obstinait, ne voulant pas confier à un domestique de place une réponse verbale qui aurait pu être changée ou altérée, j’écrivis sur une petite feuille de papier : « Victor Alfieri, pour éviter tout malentendu dans la réponse qu’il fait rendre à M. le général, la remet par écrit à son domestique. Si M. le général, en sa qualité de commandant de Florence, lui fait signifier l’ordre de l’attendre chez lui, Alfieri, qui ne résiste pas à la force qui commande, quelle qu’elle soit, se constituera immédiatement en tel état que de raison ; mais si M. le général ne veut que satisfaire une curiosité personnelle, Victor Alfieri, naturellement très-sauvage,ne désire plus faire connaissance avec personne, et le prie, en conséquence, de l’en dispenser. » Le général me répondit directement deux mots pour me dire que mes ouvrages lui avaient in-