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profondément, et j’éprouvai ce jour-là ce que jamais je n’avais senti, je ne sais quel désir de lui offrir mes services, le voyant si délaissé et entouré de si pauvres têtes. Et je me serais offert, si j’avais cru pouvoir lui être utile ; mais que pouvaient mes faibles talens dans des affaires de cette nature ? En tout cas, il était trop tard. Il passa en Sardaigne ; puis les affaires ayant un peu changé de face, il quitta la Sardaigne et revint à

    toute ma reconnaissance pour les preuves positives, réitérées, persévérantes, du vif intérêt qu’ils veulent bien me témoigner. Je ferai donc encore la guerre, l’amitié et la reconnaissance m’en imposent le devoir… Qui sait ? peut-être est-ce un nouveau masque sous lequel se cache l’ambition.

    Je ne resterai plus en Piémont ; si le roi de Sardaigne y rentre, je ne puis décemment y rester. Si le Piémont s’organise en démocratie, j’y suis trop aimé de mes concitoyens, pour pouvoir y demeurer sans m’exposer au danger d’y provoquer la jalousie des faibles magistrats de la république naissante. Je ne sais encore où j’irai me fixer, peut-être en France ; mais je ne me décide pas encore. Je vais à Milan, où je compte rester quinze jours. Si l’armistice se prolonge, j’irai ensuite à Paris ; mais auparavant, si vous me le permettez, j’aurai l’honneur de vous offrir en personne l’assurance des sentimens respectueux avec lesquels je me fais gloire d’être, mon très-honoré oncle, votre très-dévoué, très-obligé, et très-affectionné neveu.

    Bologne, le 31 octobre 1800.