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de suite jusqu’à quarante et au-delà, la place que le sens de chaque mot lui assigne dans la construction de ces éternelles et inexplicables périodes. Mais cela ne me suffisait pas, et pendant les trois jours que je consacrais à ce poète, je pris une autre Pindare, le texte seul, dans une vieille édition, très-incorrecte d’ailleurs et mal ponctuée, celle de Calliergi, à Rome, avant que les scholies n’y fussent ajoutées. Sur ce texte déplorable, je lisais à première vue, comme je l’ai dit d’Homère, en traduisant le grec en latin littéral, puis je recommençais tout ce que j’avais fait sur Homère. J’y ajoutais en dernier lieu, et j’écrivais en grec sur la marge l’explication de ce que l’auteur avait voulu dire, c’est-à-dire sa pensée dégagée de toute métaphore.

Je fis ensuite le même travail sur Eschyle et sur Sophocle, dès qu’ils vinrent à leur tour prendre la place et les jours de Pindare. Tous ces labeurs et ces folles obstinations ont singulièrement affaibli ma mémoire depuis quelques années, et pourtant, je le confesse, je n’ai pas appris grand’ chose, et il m’échappe encore à la première lecture bien des erreurs grossières. Mais l’étude m’est devenue si chère et si indispensable, que depuis 1796, jamais pour aucune raison, je n’ai manqué, ni négligé de lui consacrer ces trois heures de la matinée , et si j’ai composé quelque chose, par exemple, l’Alceste, les satires, les poésies, et toutes mes traductions, j’y employais d’autres heures ; je ne me suis réservé à moi-même que les restes de ma journée, laissant à l’étude les prémices du