voulaient s’échapper de Paris avec toutes leurs richesses, et les laisser, eux, dans la misère et l’abandon. Alors commença une lutte entre ce petit nombre de pauvres gardes nationaux et ce ramas ignoble de coquins, les uns voulant nous aider à sortir, les autres nous retenir. Alors je me jetai hors de la voiture, et tombant au milieu du tumulte, muni de nos sept passeports, je me mis à disputer, à crier, à tempêter plus fort qu’eux tous ; c’est là le vrai moyen de venir à bout des Français. Ils lisaient l’un après l’autre, ou se faisaient lire par ceux d’entre eux qui savaient lire, la description des figures de chacun de nous. Mais plein de colère et d’emportement, et méconnaissant alors le danger, ou, si l’on veut, assez dominé par la passion pour m’exposer à la grandeur du péril qui menaçait nos têtes, je parvins jusqu’à trois fois à reprendre mon passeport, et m’écriai à haute voix : « Voyez et écoutez-moi : Je me nomme Alfieri ; je ne suis pas Français, je suis Italien ; grand, maigre, pâle, les cheveux roux ; c’est bien moi, regardez plutôt. J’ai mon passeport. Je l’ai obtenu dans les formes, de ceux qui avaient autorité pour me le délivrer. Nous voulons passer, et par le ciel nous passerons. » L’échauffourée dura plus d’une demi-heure ; je fis bonne contenance, et ce fut ce qui nous sauva. Sur ces entrefaites, beaucoup de gens s’étaient amassés autour de nos deux voitures ; les uns criaient : « Mettons le feu aux voitures ! » D’autres : « Brisons-les à coups de pierres ! » D’autres encore : « Ce sont des nobles
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