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CHAPITRE XXII.

Fuite de Paris. — Retour en Italie par la Flandre et toute l’Allemagne. — Nous nous fixons à Florence.


1792.Après avoir employé ou perdu environ deux mois à chercher et à meubler une nouvelle maison, nous y entrâmes au commencement de 1792. Elle était très-belle et fort commode. Chaque jour on attendait celui qui verrait s’établir enfin un ordre de choses tolérable ; mais le plus souvent on désespérait que jamais ce jour dût venir. Dans cette position incertaine, mon amie et moi, comme aussi tous ceux qui alors étaient à Paris et en France, et que leurs intérêts y retenaient, nous ne faisions que traîner le temps. Déjà, depuis plus de deux ans, j’avais fait venir de Rome tous les livres que j’y avais laissés en 1783, et le nombre s’en était fort augmenté, tant à Paris que dans ce dernier voyage en Angleterre et en Hollande. Ainsi, de ce côté, il s’en fallait peu que je n’eusse à ma disposition tous les livres qui pouvaient m’être nécessaires ou utiles dans l’étroite sphère de mes études. Entre mes livres et ma chère compagne, il ne me manquait donc aucune consolation domestique ; mais ce qui nous manquait à tous les deux, c’était l’espoir, c’était la vraisemblance que cela pût durer. Cette pensée me détournait de toute occupation, et ne pouvant songer à autre chose, je continuai à