qu’il ne garde pas long-temps. Je pris donc la résolution de ne plus y songer ; mais il en est des résolutions d’un auteur comme du courroux d’une mère. Deux mois après, la malheureuse prose de cette Sophonisbe si rudement châtiée me retomba sous ma main, je la relus, et croyant y voir quelques bonnes choses, je recommençai à la mettre en vers, en l’abrégeant beaucoup cette fois et en tachant de suppléer par le style et de masquer les défauts inhérens au sujet, et quoique bien convaincu, je le suis encore, que je n’en ferais jamais une tragédie du premier ordre, néanmoins je n’eus pas le courage de la mettre de côté, parce que c’était le seul sujet où se pussent développer naturellement les sublimes sentimens de Carthage et de Rome dans toute leur grandeur. C’est une tragédie faible, mais où il y a telles scènes dont je me sens fier. La totalité de mes tragédies me paraissant mûres, à cette époque, pour une impression générale, je résolus alors de recueillir au moins ce fruit de mon séjour ultérieur à Paris, et d’en faire à loisir une édition belle et correcte, sans regarder ni à l’argent ni à la fatigue. Mais avant de me décider en faveur de tel ou tel imprimeur, je voulus éprouver les caractères et les protes, et voir comment se tirait d’une langue étrangère la typographie parisienne. J’avais, dès l’année précédente, achevé d’écrire et de corriger le panégyrique de Trajan ; je le choisis pour l’essai que je voulais faire, et comme c’était une œuvre de peu d’étendue, ce fut chose terminée en moins d’un mois, et je fis sagement de tenter
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