j’eusse au monde, je tombai dans un trouble d’esprit, qui pendant plus de trois mois obscurcit mon entendement. Je travaillai peu et mal jusqu’à la fin du mois d’août, où la présence tant désirée de mon amie fit évanouir tous ces maux d’une imagination mécontente et enflammée. À peine redevenu sain de corps et d’esprit, j’oubliai les douleurs de cette longue absence qui, heureusement pour moi, fut la dernière, et je me remis au travail avec passion et fureur. Vers le milieu de décembre, époque à laquelle nous partîmes ensemble pour Paris, je me trouvai avoir versifié l’Agis, la Sophonisbe et la Myrrha, développé les deux Brutus et composé la première de mes Satires. Déjà, neuf ans auparavant, j’avais à Florence tenté ce nouveau genre, j’en avais distribué les sujets, et j’avais même alors essayé d’en exécuter quelque chose. Mais n’étant point encore assez maître de la langue et de la rime, je m’y étais rompu les cornes ; et craignant de ne pouvoir jamais y réussir, du moins pour le style et la versification, j’en avais à peu près abandonné l’idée. Mais le rayon vivifiant des yeux de mon amie me rendit alors ce qu’il fallait pour cela de courage et de hardiesse, et m’étant de nouveau mis à l’œuvre, je crus qu’il pourrait m’être donné d’entrer dans la carrière, sinon de la parcourir. Je fis aussi, avant de partir pour Paris, une revue générale de mes poésies, dictées et achevées en grande partie, et je m’en trouvai un bon nombre, trop peut-être.