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ou huit jours de repos, je les expédiai, devant moi, sur la route de Toscane, où je me proposai de les rejoindre. Je voulais, en attendant, respirer un peu de tant de tracas, de fatigues et de puérilités, qui allaient peu il faut en convenir, à un poète, tragique, âgé de trente-cinq ans bien sonnés. Avec tout cela, cette distraction, ce mouvement, cette interruption complète de toutes mes études avaient été pour ma santé d’une merveilleuse ressource. J’avais retrouvé toute ma force, et me sentais rajeuni de corps, comme aussi peut-être trop rajeuni de sens et de savoir, car mes chevaux m’avaient ramené au galop à l’époque où j’étais un âne. Et la rouille s’était de nouveau si bien emparée de mon esprit, que je me croyais retombé pour toujours dans l’impuissance d’inventer et d’écrire.


CHAPITRE XIII.

Court séjour à Turin. — J’y assiste à la représentation de Virginie.

Je goûtai à Turin quelques plaisirs, mais j’y éprouvai plus de déplaisirs encore. Revoir les amis de sa première jeunesse, et les lieux que l’on a connus les premiers, retrouver chaque plante, chaque pierre, en un mot, tout ce qui a éveillé nos premières idées et nos premières passions, c’est là, sans doute, une bien douce chose. Mais d’un autre côté,