Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/339

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

me repentir d’avoir agi ainsi, si la chose a tourné au profit de l’art et au mien. S’il en est autrement, le ridicule de ces lectures ira se perdre dans un autre plus grand encore, celui de les avoir imprimées et représentées.





CHAPITRE X.

L’Antigone est représentée a Rome. — J’imprime mes quatre premières tragédies. — Séparation bien douloureuse. — Voyage en Lombardie.


Je me tenais donc ainsi dans un demi-repos, couvant ma renommée tragique, mais encore incertain si j’imprimerais alors ou si je voulais attendre. Mais voici que le hasard m’offrit un moyen intermédiaire entre l’impression et le silence, c’était de me faire jouer par une compagnie d’amateurs distingués. Cette société dramatique donnait depuis quelque temps des représentations sur un théâtre particulier élevé dans le palais de l’ambassadeur d’Espagne, alors le duc de Grimaldi. On n’y avait encore joué que des tragédies et des comédies, toutes médiocrement traduites du français. J’assistai entre autres à une représentation du Comte d’Essex, de Thomas Corneille, mise en vers italiens par je ne sais qui, et dans laquelle la duchesse de Zagarolo remplissait assez mal le rôle d’Elisabeth. Avec tout cela, comme cette dame était fort belle