Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/286

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

imprimé, je me procurai une copie manuscrite du récit inséré dans les archives publiques de Florence, et dès lors ma tragédie fut conçue. Je continuais cependant à griffonner des rimes, mais toujours les plus malencontreuses du monde. Je n’avais à Florence aucun censeur, aucun ami, qui pût remplacer auprès de moi Tana ou Paciaudi ; j’eus néanmoins assez de sens et de jugement pour ne donner à personne copie de ces vers, et assez de réserve pour ne les réciter que très-rarement. Je ne me laissai pas décourager par le peu de succès de ces rimes ; j’en tirai au contraire cette conclusion, qu’il ne fallait pas cesser de lire et d’apprendre par cœur ce qu’il y avait de mieux en ce genre, pour me familiariser avec les formes poétiques. Aussi, pendant tout l’été, je m’inondai de vers de Pétrarque, du Dante, du Tasse, j’y ajoutai même jusqu’à trois chants entiers de l’Arioste, convaincu au fond qu’infailliblement un jour viendrait où toutes ces formes, toutes ces phrases, toutes ces expressions sortiraient des diverses cases de mon cerveau, mêlées et assimilées à mes propres pensées, à mes propres sentimens.






CHAPITRE III.

Je m’obstine à me livrer aux études les plus ingrates.


Au mois d’octobre, je retournai à Turin, non que j’eusse la présomption de me croire suffisamment