notre idiome si flexible et si varié dans ses formes.» Et ces doutes, que je proposais à mes amis, à mes maîtres, aucun ne pouvait me les résoudre. L’excellent Paciaudi me recommandait toujours de ne pas négliger dans mes laborieuses lectures la prose qu’il appelait savamment la nourrice du vers ; et à ce propos, je me souviens qu’un jour il m’apporta le Galateo de Casa, avec recommandation de bien en méditer les tours, qui étaient du toscan le plus pur et sans aucun mélange de manière française. Dans mon enfance j’avais lu ce livre, mais fort mal, et, comme il nous est arrivé à tous, l’entendant assez peu et ne le goûtant pas ; peu s’en fallut que je ne me tinsse pour blessé de ce conseil puéril et, à mon sens, pédantesque. Je l’ouvris donc à contrecœur, ce Galateo maudit ; et à la vue de ce premier Conciossia cosache[1] qui traîne après lui l’interminable queue d’une période si pompeuse et si peu substantielle, je fus saisi d’un tel accès de colère que je jetai le livre par la fenêtre, et m’écriai comme un insensé : « Il est pourtant trop dur et trop révoltant que, pour écrire des tragédies à l’âge de vingt-sept ans, il me faille avaler de nouveau de telles puérilités, et me dessécher le cerveau avec ces fadaises de pédant. » Paciaudi sourit à cette poétique fureur digne d’un enfant mal élevé, et me
- ↑ C’est par ce mot que commence le Galateo de Casa. Casa, poète et prosateur florentin, était né en 1503 ; mort en 1556. Son meilleur ouvrage, le Galateo, est un traité sur les mœurs. (N. du T.)