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La finesse, la grâce et l’élégance de ses observations au sujet de ma malheureuse Cléopâtre, feraient bien rire le lecteur, si j’avais le courage de lui en faire part ; mais l’aiguillon en serait pour


navires fugitifs et fracassés, misérables débris de nos flottes superbes, étaient l’objet des perverses clameurs de la foule toujours prompte à railler ceux qu’elle a cessé de craindre.

CLÉOPÂTRE.

Et Antoine était sur ces vaisseaux ?

DIOMÈDE.

Canidius, qui ramène ce peuple de fuyards, croyait le trouver, etc.

Et la pièce allait ainsi d’un bout à l’autre, assez longue d’ailleurs, et n’ayant pas moins de mille six cent quarante-un vers. Rarement depuis il m’est arrivé d’en mettre autant dans les autres tragédies que j’ai composées (et elles sont au nombre de vingt), à une époque où j’avais peut-être quelque chose de plus à dire, tant il y a de profit pour la précision du style à savoir dire d’une façon plutôt que d’une autre.

LETTRE DU COMTE AUGUSTIN TANA, ARISTARQUE DE L’AUTEUR.

Vous m’avez choisi pour votre Aristarque ; en échange de l’honneur que vous m’avez fait, j’accepte. Préparez-vous donc à la plus sévère, à la plus inexorable censure, et telle que peu ont le courage de l’exercer, très-peu celui de la supporter. Je serai du petit, vous du très-petit nombre. La plèbe littéraire, flatteuse, menteuse, suffisante, n’a pas coutume assurément d’en user ainsi ; présent, on vous loue sans retenue ; absent, on vous déchire, on vous trahit sans pudeur. C’est ce qui n’arrivera jamais entre l’auteur de cette tragédie et le censeur son ami.