ce de tedescherie, je quittai Francfort au bout de deux jours, pour aller à Mayence, où je m’embarquai sur le Rhin, et descendant ce grand fleuve épique jusqu’à Cologne, je trouvai quelque charme à voguer entre ces rives délicieuses. De Cologne, en passant par Aix-la-Chapelle, je retournai à Spa, où deux ans auparavant j’avais passé quelques semaines ; ce lieu m’avait toujours laissé le désir de le revoir avec le cœur libre. La vie qu’on y mène semblait devoir convenir à mon humeur, parce qu’on y trouve tout ensemble le bruit et la solitude, et que l’on peut y rester inconnu et ignoré au milieu des réunions publiques et des fêtes ; et, en effet, je m’y trouvai si bien, que j’y demeurai depuis la mi-août jusqu’à la fin de septembre, ou peu s’en faut. C’était beaucoup pour moi, qui ne pouvais jamais m’arrêter nulle part. J’achetai, d’un Irlandais, deux chevaux, dont l’un était d’une beauté peu commune, et je m’y attachai vraiment de cœur. Je montais à cheval le matin, dans la journée, et le soir je dînais avec huit ou dix étrangers de tous pays. Pendant la soirée, je regardais danser de jolies femmes, de gracieuses demoiselles, et ainsi je passais mon temps, ou, pour mieux dire, je l’usais le mieux du monde. Mais la saison s’étant gâtée, et la plupart des baigneurs commençant à quitter, je partis de mon côté, et résolus de retourner en Hollande pour y revoir mon ami d’Acunha, certain d’ailleurs de ne pas y retrouver celle que j’avais tant aimée : je savais qu’elle n’était plus à La Haye, et que depuis
Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/163
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.