férentes églises, mais le tout avec grand ennui et sans aucun sentiment du beau, surtout en peinture, mes yeux étant insensibles au mérite de la couleur. Si j’avais pu avoir du goût pour quelque chose, la sculpture m’eût tenté davantage, plutôt encore l’architecture : c’était peut-être une réminiscence de mon excellent oncle, l’architecte. Le tombeau de Michel-Ange, à Sainte-Croix, fut du petit nombre des choses qui m’arrêtèrent, et je fis quelque réflexion sur la mémoire de ce grand homme. Je sentis profondément, dès lors, qu’il n’y avait de vraiment grand parmi les hommes que ceux (combien sont-ils ?) qui laissaient après eux une œuvre durable de leurs mains. Mais cette réflexion isolée, au milieu de l’immense dissipation d’esprit dans laquelle je vivais continuellement, était tout juste, comme on dit, une goutte d’eau dans la mer. Parmi tant d’écarts de jeunesse, dont j’aurai éternellement à rougir, je ne dois pas, certes, compter comme la moindre de mes sottises celle d’avoir voulu, dans le peu de temps que je restai à Florence, me faire enseigner la langue anglaise par un méchant maître anglais qui s’y trouvait, au lieu d’apprendre aux leçons vivantes des bienheureux Toscans à m’exprimer du moins sans barbarie dans leur idiome divin, que j’estropiais en le balbutiant, chaque fois que j’étais obligé d’y recourir. Aussi évitais-je de le parler le plus qu’il m’était possible. Mais si la honte de l’ignorer pouvait sur moi quelque chose, elle pouvait bien moins encore assurément que la paresse de l’apprendre. Je n’avais
Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/103
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.