un siècle qui chaque jour se prend d’un goût plus vif pour ces retours du génie sur lui-même, il devait nous être permis de placer à côté du poète qui se dérobe humblement dans la foi ces éloquentes confessions du plus violent des écrivains.
Ce n’est donc point par sympathie pour Alfieri que je donne cette nouvelle traduction de ses mémoires. Je n’aime point cet homme ; mais il a une volonté si ferme, si indomptable, si persévérante, et à travers toutes ses petitesses, il a le cœur si naturellement porté au grand, qu’on ne saurait se défendre, en le lisant, d’une sorte d’admiration mêlée de colère et d’effroi.
Aussi l’ai-je laissé tel qu’il a voulu se montrer, et me suis-je attaché seulement à retrouver l’accent énergique de sa passion ; je l’ai cherché en dehors même de ce livre, et dans tout ce que Alfieri a écrit.
À une autre époque, et sous un autre gouvernement, de généreux scrupules ont porté le premier traducteur à effacer de ces mémoires je ne sais quelles misérables injures jetées à la France et à sa glorieuse révolution. J’honore ces scrupules, mais j’ai compris autrement la dignité de la France. Il m’a paru qu’il n’était pas si petite nation qui ne fût au-dessus des insultes même d’un homme de génie, et quand cette nation s’appelle la France, l’outrage est ridicule. C’est un trait de plus dans un caractère original, voilà tout.
Fallait-il aussi perdre le temps à défendre contre Alfieri la langue de Racine et de Fénélon ? on a