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était à Versailles depuis les troubles, espérant être utile, au Roi, Quoique fort âgé, il avait l’agilité d’un jeune homme ; il faisait tous les jours un exercice violent à pied et à cheval, afin de conserver ses forces ; il venait sans cesse chez maman. Il y soupa le 4 octobre ; tout le monde partait du fameux dîner, et les habitants du château de Versailles croyaient être devenus invincibles. Maman lui demanda ce qu’il en pensait, il lui dit à voix basse, mais je l’entendis : « Madame, depuis trois mois je me promène dans la ville et les environs, pour juger les intentions de chacun et les dispositions de défense en cas d’attaque ; il n’y a nul ensemble, nulle prévoyance, nulle précaution, et, si M. de la Fayette veut venir attaquer Versailles, il prendra toute la Cour d’un coup de filet. Je crois bien que, s’il fût venu le soir même du dîner, on se serait battu à merveille, quoique sans ordre ; mais à présent, c’est différent, chacun s’endort et le Roi est perdu. »

Ce fut le lendemain que cette triste vérité fût prouvée. Le Roi était parti pour la chasse ; on commença à dire, sur les trois ou quatre heures, que le peuple de Paris venait attaquer le château ; on ne pouvait croire cette nouvelle. Cependant on fit ranger quelques troupes devant la grille des Ministres, et on envoya avertir le Roi, il chassait dans les bois de Meudon, il reçut ses courriers. Il arriva aussi de Paris un chevalier de Saint-Louis, qui se jeta à ses pieds, l’avertit du danger et se retira sans dire son nom.

Le Roi revint en voiture au grand galop par la Porte Verte et, par conséquent, la grande avenue ; cinq minutes plus tard, il eût été enlevé à la jonction du chemin de Paris, par l’avant-garde de la Fayette, ou plutôt par une troupe de la lie du peuple, hommes et femmes ramassés au hasard. C’eût été très heureux : les volontaires parisiens étaient encore à la barrière, la plupart d’entre eux étaient forcés, et il n’y avait nul ordre dans leur marche. Sitôt qu’on aurait appris l’enlèvement du Roi, les