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Charette, avec une lettre extrêmement polie pour le féliciter de sa victoire ; celui-ci lui répondit par un compliment sur celle de Saumur ; les deux lettres exprimaient mutuellement le désir d’établir une correspondance, pour le bien du pays. M. de Lescure fit part aux autres généraux de sa démarche ; ils étaient toujours à Saumur et avaient envie également de garder cette place et d’aller attaquer Nantes. Comme ceci devait être un grand avantage pour l’armée de Charette, ils lui firent demander de les aider dans leur entreprise ; mon père fut chargé de la démarche. Il lui offrit de la poudre et des canons, il les accepta, et depuis nous lui en donnâmes souvent, ainsi qu’aux petits cantonnements près de Nantes. Son armée, placée de manière à rester sur la défensive, les nôtres la couvrant, pouvait difficilement se procurer des munitions, au lieu que nous en trouvions dans toutes les villes dont nous nous emparions.

Saumur pouvait être regardé comme la clef de la Vendée, du côté du nord ; cette place rendait maître de la Loire, et sa position, naturellement très forte, augmentait son importance. On voulut y mettre, pour commander, M. de Laugrenière[1], mais comme c’était un officier très médiocre et point aimé des soldats, on engagea M. de la Rochejaquelein à y demeurer quelque temps ; on promit à ceux qui resteraient, l’étape et quinze sols par jour ; jusque-là on ne leur avait jamais rien donné ; on leur dit même qu’ils pourraient se relever tous les huit jours, quatre par paroisse. On verra bientôt que, malgré tous ces avantages, on ne put les retenir.

L’armée partit de Saumur ; Stofflet eut la folie de faire proclamer, sans en avoir reçu l’ordre, que quiconque resterait dans la ville serait un lâche : cela commença à faire sortir beaucoup

  1. Dominique-Alexandre Jaudonnet, chevalier, seigneur de Laugrenière, dans la paroisse de Boismé, près Bressuire, et de Grenouillon, dans la paroisse de Moutiers, près Argenton-Château. Né le 10 décembre 1745, il était mousquetaire de la garde du Roi en 1763, et se retira en 1767. Fait prisonnier après la déroute de Savenay, il fut guillotiné à Nantes le 25 nivôse an II, 14 janvier 1794.