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transporte, votre lâcheté vous rend méprisables. » Ce brave homme s’en fut à Tours, et peu après il fut guillotiné[1].

M. de Lescure avait une grosse fièvre, il était épuisé de fatigue et surtout du sang qu’il avait perdu ; on l’engagea à se retirer à la Boulaye. Avant de partir, il assembla les officiers et leur dit : « Messieurs, notre insurrection prend trop de consistance, nous venons de faire une trop belle conquête, pour ne pas nommer un général en chef de la grande armée ; comme les généraux les plus âgés ne sont pas ici, on ne peut faire qu’une nomination provisoire. Je ne veux pas partir sans qu’elle soit faite, je donne ma voix à M. Cathelineau. » Tout le monde applaudit à son choix, excepté celui qui en était l’objet, car jamais homme n’a été si modeste. Cette nomination fut confirmée par MM. d’Elbée, Duhoux d’Hauterive, de Boisy et mon père, qui arrivèrent à Saumur quelques jours après : M. d’Elbée avait été retenu jusqu’alors par ses blessures que la fatigue avait irritées ; il avait en effet voulu se trouver au second combat de Fontenay.

La nomination de Cathelineau avait de grands avantages. J’ai fait connaître ses vertus, son courage, ses talents naturels ; il était sans la moindre ambition, aimé de toute l’armée ; de plus, il avait commencé la guerre, et ce n’était pas peu politique de prendre pour général en chef un simple paysan, dans un temps où la France avait la tête tournée par l’égalité, et où l’on prétendait que, si la contre-révolution se faisait, la noblesse rendrait le peuple esclave. Cela pouvait ouvrir les yeux des patriotes et attacher de plus en plus les paysans à notre cause. Il est très sûr que l’égalité est chose si séduisante que, depuis qu’on l’a offerte aux Français, les aristocrates les plus purs en sont eux-mêmes épris ; aussi tous les officiers nobles dans la Vendée s’appliquaient-

  1. Pierre Quétineau, né au Puy-Notre-Dame, près Montreuil-Bellay, le 25 août 1756, fut condamné par le tribunal révolutionnaire de Paris et guillotiné le 26 ventôse an II, 16 mars 1794. Sa femme, Marie-Anne-Catherine Robert, de la Treille, paroisse de Montreuil-Bellay, le suivit sur l’échafaud le 22 floréal, 11 mai.