Page:Victoire de Donnissan de La Rochejaquelein - Mémoires de Madame la marquise de La Rochejaquelein, 1889.djvu/171

Cette page a été validée par deux contributeurs.

M. de Lescure avait couru les délivrer, de peur qu’ils ne fussent massacrés par les Bleus ; il vola sur-le-champ à une autre prison où étaient les parents d’émigrés et les gens suspects, au nombre de plus de deux cents. Ils avaient vu de loin le combat et, de crainte d’être immolés par les patriotes, ils s’étaient barricadés en dedans. M. de Lescure frappe à coups redoublés en criant : Ouvrez, de par le Roi. Aussitôt les portes s’ouvrent, les cris de Vive le Roi ! retentissent dans la prison ; tous les captifs embrassent M. de Lescure, sans le reconnaître, quoiqu’il fût parent ou ami d’un grand nombre ; il se nomme, et les quitte pour se mettre à la poursuite des patriotes, ainsi que tous les autres officiers.

Forest avait pris la rue qui menait au chemin de Niort, aussi se trouvait-il en tête. Le grand intérêt était de reprendre Marie-Jeanne, l’idole des soldats ; les Bleus, qui le savaient, faisaient tous leurs efforts pour la sauver. On était déjà à plus d’une grande lieue de la ville ; Forest s’était si fort avancé, qu’il était au milieu de plus de cent gendarmes ; heureusement il avait le cheval, la selle et les armes d’un gendarme qu’il avait tué à un autre combat ; de plus, il n’était pas habillé en paysan, n’avait point de cocarde blanche, et comme dans ce temps la plupart des troupes républicaines étaient remplies de nouvelles recrues sans uniforme, ils le prirent pour être des leurs ; un d’eux, lui frappant sur l’épaule, lui dit : « Camarade, il y a vingt-cinq mille francs de promis pour ceux qui sauveront Marie-Jeanne ; elle est engagée, retournons pour l’empêcher d’être prise. » Effectivement, tous les Bleus retournent, Forest se met à faire le brave, disant qu’il veut être le premier, il file doucement et se trouve à la tête des gendarmes, assez en avant, suivi seulement des deux plus hardis. Quand il est près de nos gens, il se retourne en criant : Vive le Roi ! et tue les deux hommes qui le suivaient ; les Vendéens le reconnaissent, fondent sur l’ennemi et s’emparent de Marie-Jeanne, qui était défendue par quelques