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d’autre marque distinctive que d’être mieux équipés que leurs soldats.

Toute cette troupe allait pour donner dans la soirée une fausse alarme, jusqu’aux portes de Parthenay, afin de faire prendre le change sur la marche de l’armée qui devait partir le lendemain pour attaquer Thouars. Tous les soldats se mirent à déjeuner, la maison se remplissait de paysans qui accouraient se réunir à eux, après avoir abattu dans les paroisses les arbres de la liberté ; il arrivait des femmes, la hache à la main, venant de détruire ce signe patriotique. Le château était plein de gens qui chantaient, mangeaient, criaient Vive le Roi ! M. de Lescure nous racontait qu’il avait été reçu à bras ouverts par les officiers, et traité comme chef de toutes les paroisses qui s’insurgeaient ; qu’on l’avait fait entrer au conseil de guerre, où l’on attendait avec impatience mon père, M. de Marigny et M. des Essarts ; enfin, qu’il y avait très peu d’officiers, et on regardait comme un grand bonheur d’avoir ceux-ci de plus.

Au milieu de cette conversation, il pensa arriver l’événement le plus tragique : les Vendéens avaient attaché leurs chevaux dans la première cour, sans sentinelle, suivant leur coutume. Trois Bressuirais, qui avaient laissé à Clisson leurs femmes, dont deux étaient grosses et une nourrice, vinrent pour les chercher et les emmener à Parthenay. Ils étaient en uniforme républicain, bien armés et à cheval ; quand ils virent tous ces chevaux au piquet, ils crurent que c’étaient des Bleus venus pour nous prendre ; ces trois hommes ne trouvèrent dans la première cour qu’un petit domestique âgé de quinze ans, ils lui dirent : « Bonjour, citoyen » ; cet enfant répondit : « Il n’y a point de citoyens ici. Vive le Roi ! Aux armes, voilà les Bleus ! » À ce cri, tous les cavaliers sortent, sabre à la main, comme des furieux ; heureusement mon père et moi, entendant le tumulte, sans savoir ce que c’est, accourons de toutes nos forces ; nous reconnaissons les trois Bressuirais qu’on allait massacrer ; nous nous jetons entre les paysans et eux. Tout