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arrivons aux portes de Bressuire, beaucoup de volontaires et de peuple, voyant conduire des prisonniers, sans savoir qui ils étaient, se mettent à crier : À l’aristocrate ! Les gendarmes leur disent de se taire, qu’ils seraient tous bien heureux d’être aussi bons citoyens que nous ; qu’un malentendu seul nous faisait arrêter. Ils allèrent rendre compte au district de leur commission.

Tous les nobles faits prisonniers étaient dans le château de la Forêt[1], converti en château fort, à trois lieues de Bressuire, plus près de la révolte, dans la paroisse de Moncoutant ; sans doute les gendarmes craignaient qu’on ne les y massacrât, car ils nous promirent de faire tous leurs efforts pour que nous restions en ville ; cela nous en donna le désir. En arrivant au district, ils firent mille instances pour qu’on nous permît de retourner à Clisson avec une garde, on le refusa ; alors ils demandèrent qu’on nous laissât à Bressuire. Allain[2], honnête patriote municipal et marchand épicier de la maison, s’offrit à nous garder chez lui, disant que la prison était trop pleine ; on y consentit, et on nous assigna la ville pour séjour. M. de Lescure demanda sur-le-champ à parler au district ; il voulut payer d’assurance, et, quoiqu’il eût bien à craindre relativement à Henri et à M. de la Cassaigne, il demanda s’il y avait quelque chose contre lui, si on avait découvert quelque intelligence avec les révoltés, et il voulait qu’on lui fit sur-le-champ son procès. Le district lui répondit qu’il était suspect (ce fameux mot venait d’être mis en usage) ; il demanda en quoi il pouvait l’être ; « parce qu’il était noble, répondit-on ; il n’avait pas à se plaindre, ayant été arrêté le dernier, et toutes ses réclamations étaient inutiles. » On l’amena nous rejoindre, et de là on nous conduisit chez Allain. Je finis ce chapitre en disant que la bonne volonté des gendarmes n’avait pas été achetée, nous ne leur offrîmes point d’argent.

  1. La Forêt-aur-Sèvre, ancienne habitation de Philippe de Mornay, dit Duplessy-Mornay, seigneur du Plessis-Marly, 1549-1623.
  2. Jean-Louis Allain, mort à Bressuire le 7 octobre 1832, à l’âge de quatre-vingt-douze ans.