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virons s’y joignaient. Il ajouta, s’adressant à Henri : « Monsieur, on dit que vous allez dimanche tirer à la milice. Y consentirez-vous, tandis que vos paysans se battent pour ne pas y tirer ? Paraissez, et tout le pays, qui vous désire, se rangera sous vos ordres. » Henri déclara aussitôt qu’il partait, et l’homme lui promit de le guider ; il dit qu’il faudrait faire neuf lieues à pied à travers champs pour éviter toutes les patrouilles des Bleus, c’est-à-dire les républicains (je les nommerai ainsi dorénavant, comme on le faisait dans la Vendée). M. de Lescure voulait à toute force l’accompagner et aller se battre à côté de lui, nous eûmes beaucoup de peine à le retenir. Henri lui représentait que, n’ayant pas sa famille (elle était émigrée), il devait plus hasarder que lui ; que d’ailleurs étant en visité à Clisson, il pouvait s’en absenter quelques jours, sans trop se compromettre, pour connaître au juste ce qu’était cette révolte, dont on ne savait rien de positif ; qu’il lui ferait dire si c’était vraiment une guerre et s’il était raisonnable de s’y joindre ; mais que M. de Lescure, en partant comme un fou, sans réfléchir, sans savoir si on pouvait espérer de servir la bonne cause, risquerait de nous faire tous massacrer inutilement, car il serait impossible, à une quantité de vieillards et de femmes de se sauver ; que lui n’était point sujet à la milice, son pays n’était point encore révolté : toutes ces raisons devaient le retenir. Nous joignîmes nos prières et nos représentations à celles d’Henri. Si j’avais été seule avec mon mari, j’aurais hasardé d’aller avec lui rejoindre les révoltés ; mais toute notre famille eût été perdue. M. de Lescure se rendit enfin, mais alors, nouvelle scène. Plusieurs personnes prétendaient que le départ d’Henri, connu pour être son ami et pour demeurer chez lui, le compromettait et qu’il serait mis ainsi que nous en prison : Henri se déclara prêt à tout sacrifier à cette considération. Alors M. de Lescure lui dit : « L’honneur et ton désir te portent à aller rejoindre tes paysans, ils t’appellent ; je souffre mortellement de ne pouvoir te suivre, mais j’aime mieux risquer mille fois la