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Le jeune homme se lève. On dirait qu’un brasier
Flambe au fond de ses yeux, noirs comme le mystère.
Son ombre de géant couvre un arpent de terre
Et sa bouche a fleuri comme un jeune rosier.

— « Ô reine, devant moi courbe ta tête altière,
Viens, j’ai trop attendu ; viens, c’est toi que je veux. »
Isoline se pâme à son tour ! Ses cheveux,
Comme une robe d’or, la couvrent tout entière.

Isoline se pâme. Elle boit l’étranger.
L’amour terrible en elle a déjà pris racine.
Pareille au rossignol que le serpent fascine,
Elle n’a même plus la force de bouger.

— « Un charme est sur tes yeux qui me force à te suivre.
Mon cœur est dans ta main comme un oiseau blessé.
Qui donc es-tu, réponds, toi qui l’as ramassé ?
Ce n’est qu’en te voyant que je commence à vivre. »

— « Rassure-toi. Vos gens me traitent de bandit.
Mais ne suis-je pas fils de roi, puisque tu m’aimes ?
Mon père est souverain de toutes les Bohèmes ;
Je n’ai qu’à faire un signe et le monde obéit.

« Le monde radieux ou sombre est mon ouvrage.
J’ai dérobé les fruits de l’arbre défendu.
Le piège de la nuit, c’est moi qui l’ai tendu,
C’est moi qu’on entend rire au milieu de l’orage. »