Page:Vicaire - L’Heure enchantée, 1890.djvu/54

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


« Vienne le dragon rouge ou la louve en furie,
Ma puissance est à terre et mon bras désarmé.
Que d’autres à présent gardent la bergerie.

« Arthur, mon souverain, vous que j’ai tant aimé,
Soyez mon héritier, achevez mon ouvrage ;
Protégez comme moi le faible et l’opprimé.

« J’ai lutté de mon mieux et vécu sans outrage.
Je défiais la mort comme la trahison.
Pareil au tiercelet, j’ai crié dans l’orage.

« C’est fini ; je m’en vais. La lune à l’horizon,
Comme une fleur, pâlit, pâlit. L’heure est prochaine.
On bâtit, cette nuit, les murs de ma prison.

« Le bois dont elle est faite est plus dur que le chêne,
Il est plus parfumé que le bois d’oranger,
Et c’est en souriant que j’ai forgé ma chaîne.

« Ô ma harpe galloise, adieu ton chant léger.
Toi si pure, vas-tu frissonner sous l’orgie ?
Pourras-tu supporter la main d’un étranger ?

« Et vous par qui je meurs, adieu, belle magie,
Fanez-vous, ma verveine, aux doigts de l’impuissant.
Puisque j’entre en servage, adieu mon énergie ! »