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UNE FÉE


IV


Titania, la reine aux doux yeux d’améthyste,
Ignorait tout encor. Sa fine camériste
Lui conte l’aventure, un soir, en la coiffant :
— « Que dis-tu là, ma bonne, une si douce enfant ! »
— « Hélas ! madame, hélas ! la chose est trop certaine. »
— « Encore si c’était avec un capitaine ! »
Et le soir même, avant d’entrer en son lit bleu,
La belle a tout appris à son époux. — « Corbleu !
Fait Obéron, ceci dépasse un peu les bornes.
N’est-il plus au village assez de maritornes
Pour qu’on laisse en repos les dames de ma cour !
Un homme à notre sœur déclarer son amour !
L’affaire est scandaleuse ; un exemple s’impose.
Vite, allez-moi quérir la coupable, et qu’elle ose
Faire à nos pieds l’aveu de son indignité. »
Un grand lit de justice est sur l’heure arrêté.
On s’y rend de partout et même du royaume
De Belzébuth. Follet, Sylphe, Lutin ou Gnome,
Chacun veut avoir part à la fête. Voici
D’aimables compagnons sentant fort le roussi,
Puck, Robin Bon-Enfant qui joue avec les filles,
Et le soir, dans leur lit, fourre un paquet d’aiguilles,
Ariel qui soupire on ne sait trop pourquoi,
Jacques l’enchifrené qui reste toujours coi,