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Après l’instant béni, pourquoi ce vent d’alarmes ?
Je ne sais quel dégoût monte de ta beauté,
Un relent d’amertume est au fond de tes charmes.

Et notre cœur aussi, brusquement arrêté,
Se demande s’il rêve et quel fardeau l’oppresse ;
Notre rancœur se noie en ton immensité.

Puis tu deviens la sombre et terrible maîtresse
Qui, pâle, se redresse, et gronde, et brise tout ;
Une flamme a jailli de ta moine détresse.

Pourquoi pleurer ? N’es tu donc pas celle qui bout ?
Le feu damné, le feu d’enfer ? Ta male rage,
Cent meurtres consommés, n’est pas encore à bout.

Et tu grinces des dents comme sous un outrage.
C’est toi l’affreux récif droit en travers du port,
C’est toi l’horrible voix qui hurle dans l’orage.

Tu bondis, et les rocs croulent sous ton effort,
Le monde tout entier tremble de la secousse ;
La mort, la mort, la mort, à l’infini la mort !…

Ô mer, ô folle mer, tu redeviendras douce,
Avant qu’il soit longtemps refleuriront tes yeux,
Tes yeux d’amour candide et que rien ne courrouce.