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L’histoire est-elle vraie ou fausse ?
Suis-je un bon, un mauvais témoin ?
Qu’importe ? — Voici déjà loin
Les mornes plaines de la Beauce.

Puis rien. — Du noir, du noir partout,
Noir dans le ciel et sur la terre,
Noir surtout au cœur solitaire,
Gonflé de rage et de dégoût.

Et le train file et le train vole
Avec ses gros yeux qui font peur,
Le train file à toute vapeur
Comme une bête à moitié folle.

Un vent mauvais semble frémir
Dans les verdures qu’on effleure ;
J’entends comme une âme qui pleure…
Mon Dieu ! si je pouvais dormir !

Toujours, toujours, toujours la bête
Aux crocs baveux, aux flancs repus !
Toujours ces mots interrompus
Qui s’entrechoquent dans ma tête !

Les lourds pays indifférents
Montrent un coin de leur visage ;