Page:Vibert - Pour lire en automobile, 1901.djvu/97

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 69 —

Donc la bouche qui appartenait à cette tête s’ouvrit lentement, et il en sortit ce qui suit :

— Je ne vous rappellerai pas les centaines de morts étranges, bizarres ou épatantes que j’ai vues aux colonies, car notre hôte serait encore ici dans huit jours, je ne rappellerai pas davantage la mort de ce pauvre Kunckel d’Herculay, si bien rongé par les fourmis que son squelette était blanc et poli comme de l’ivoire au bout d’une heure et que l’on ne le reconnaissait qu’à sa cravate d’Alfa, respectée par les voraces hyménoptères, parce qu’il paraît que le fait était heureusement controuvé.

Je proposerai même de ne citer chacun qu’une mort coloniale vraiment épatante.

— Adopté, crièrent vingt voix.

— Parfait, dit Marius, je continue : or ça un jour que j’étais parti en colonne vers El Goléa, au-delà de Ouargla, je m’étais aventuré à chasser en dehors du campement, de grand matin, avec un jeune adjudant, un copain épatant qui était né natif du quartier Mouffetard à Paris, tandis que moi je suis né dans la rue de la Pierre qui rage à Marseille ; suffit, je continue. Mon copain fatigué me dit : Je vais me reposer un quart d’heure sous ce bouquet de palmiers. Quand Je revins quinze minutes plus tard, il était mort la tête fracassée. Une autruche était arrivée du désert pendant ce temps-là, et ayant vu la tête prématurément chauve de mon pauvre ami, l’avait prise, sans aucun doute, pour un œuf. Aussi, elle s’était accroupie sur lui et ayant pondu un œuf, cet œuf lui avait fendu le crâne en deux. Je courus au campement, on enterra vivement mon ami sous trois