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surtout je compatis aux douleurs de mes semblables, à leurs désespoirs cachés.

— Brave cœur, fis-je, sincèrement ému.

— Eh bien, tu le vois, la voilà, mon œuvre tout entière, resplendissante de philanthropie et de charité attendrie, tu comprends ?

— Pas du tout.

— Mais si. Je fonde un bureau de placement, doublé d’une agence matrimoniale, t’ai-je dit. Dans ce bureau de placement je ne reçois et n’inscris que les demoiselles fort laides qui désirent se marier, aussi bien que les aveugles du sexe fort et Je les marie entre eux.

Un aveugle n’a pas besoin que sa femme soit belle, mais simplement qu’elle soit bonne et dévouée et de la sorte j’arrive à caser réciproquement toutes les filles laides et tous les pauvres aveugles et à faire leur bonheur.

Exceptionnellement, lorsque le cas se présentera, je marîrai aussi les jeunes filles aveugles avec tous les hommes estropiés, difformes ou informes qui seront encore bien heureux de retrouver un peu d’indulgence pour leur infirmité dans le regard éteint de leur femme.

Eh bien ! mon projet est-il assez humanitaire, mon brave incrédule ?

L’Amour éclairant les jeunes Aveugles, hein, quel beau sujet de pendule, siècle dernier ?

— C’est vrai et tu es un brave cœur ; non seulement tu vas faire une grande œuvre de solidarité humaine, exquise et pleine de poésie attendrissante, mais encore tu as trouvé le moyen paradoxal de