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passer la soirée chez un ami, il n’y avait pas de train. Il attrapa les employés qui le jetèrent à la porte et comme il venait me réveiller à trois heures du matin pour me demander mon avis sur le cas qu’il ne comprenait plus, car pour lui le soir commençait à six heures.

— Non, lui dis-je, pour les chemins de fer le soir commence à midi, en plein jour, tu vois qu’il ne faut pas confondre l’heure des chemins de fer avec l’heure astronomique…

— Ni avec celle des théâtre, répliqua-t-il amèrement, et il sortit, triste jusqu’à la mort, pour prendre son train.

Quand il arriva, sa mère était morte et après l’avoir enterrée, les hommes de la loi le convoquèrent pour entendre lire le testament maternel, qui, d’ailleurs, lui laissait toute sa fortune, pour deux heures de relevée !

Deux heures de relevée ? Est-ce le matin, l’après-midi, ou le soir ? Oui, mais est-ce le matin comme l’entendent les théâtres, le soir comme l’entendent les chemins de fer, ou l’après-midi comme l’entend tout le monde, ou ne serait-ce pas encore autre chose.

Et il poussa un éclat de rire strident et terrible qui fit tressaillir le tabellion et ses clercs et il s’écria :

— C’est clair — pas de notaire — les moines du moyen-âge avaient raison, chaque jour les théâtres arrêtent la marche du soleil, mais les chemins de fer lui donnent le coup de pouce, dès midi !

Il était fou, irrémédiablement fou et voilà comment