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ficelles improvisées que j’attachai aux deux petits crochets.

Mon impatience était extrême : et, chose étrange, mystère du cœur humain, au lieu de tirer tout de suite la ficelle, je rhabillai avec les mêmes précautions la poupée ; agir autrement m’eût semblé tout à la fois un viol et une profanation !

Je l’ai déjà dit, les milieux, les circonstances et les contacts élèvent et développent parfois tout à coup l’intelligence, les qualités cachées des individus.

Il n’y a pas à dire, les hommes primitifs et frustes qui m’entouraient étaient vivement intéressés, empoignés, presqu’aussi émotionnés que moi, si possible.

Enfin je tirai lentement une ficelle et, ô miracle, la poupée parla et j’entendis ou crus entendre en vieil égyptien : iri haru nofir — ce qui mot à mot veut dire : iri fois, haru jour, nofir bon, mais ce qui voulait dire en réalité : donne-toi du bon temps et pouvait correspondre à notre bonjour. Mais je tirai plus lentement une seconde fois et prévenu, j’entendis distinctement : iri harou nofir.

Comment, quoi, l’U se prononçait déjà OU, en diphthongue chez les Égyptiens du temps des Pharaons ! Mais alors, avec ce témoin palpable, sinon vivant, je tenais donc la démonstration de la plus grande découverte philologique des temps modernes !

J’eus un éblouissement, je l’avoue et je portai vivement ma gourde d’eau-de-vie à mes lèvres pour éviter de me trouver mal, sous le coup de la commotion.