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Au lendemain de la guerre presque, Olympe Audouard avait parmi ses amis un prince russe, brave garçon, très riche, mais joueur comme les cartes et qui ne devait pas tarder à se ruiner aux courses, dans les cercles, sans compter les coulisses des petits théâtres, où il trouvait des petits animaux roses et rosses encore plus chers que les chevaux.

Un beau jour, il se trouva aux trois quarts ruiné, avec des billets, des engagements considérables auxquels il ne put faire face. Un geste, et sa famille serait venue à son secours ; un reste de pudeur le retint et il se fit tranquillement sauter la cervelle.

La mort bête de ce brave garçon, presque de cet enfant, avait beaucoup frappé Olympe et avivé de nouveau sa douleur maternelle ; aussi, non pas pour y échapper, mais pour la nourrir tout à son aise, comme on se trouvait au début de l’été, elle était partie passer quelques mois à la campagne.

— Vous viendrez me voir, n’est-ce pas ?

— Certainement.

Et quinze jours plus tard, à une heure et demie de Paris, je débarquais chez elle. Elle avait loué une espèce de vieux manoir qui ne manquait pas de cachet et qui, flanqué d’une ferme, était vraiment, avec sa grande cour sablée et ses vertes pelouses, du plus joli effet.

Les premières nouvelles de Paris données :

— Hein, me dit-elle, ce pauvre prince, avec ses fatales passions et sa mort tragique, a dû passer dans le corps d’un être inférieur à l’homme. Vous riez, j’en ai l’intuition et la certitude. Ce n’est pas comme mon pauvre fils, si noble et si intelligent, malgré son