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Voyant mon ahurissement, Gontran reprit d’un ton calme et posé :

— Voyons, mon pauvre ami, soyons sérieux. Parlons peu et parlons bien comme disait un vieux cousin à moi. J’ai pu croire que j’aimais ce que l’on appelle voyager sur la terre quand j’avais quinze ans ; mais maintenant ?

Oui, j’ai fait le tour du monde cinq ou six fois, et puis après, c’est toujours la même chose. Avec la vapeur et l’électricité, la terre est grande comme la main, aujourd’hui. J’y étouffe, je veux de l’air, de l’espace, je demande à en sortir.

Non seulement ça ne m’amuse plus de me promener sur ce grain de sable, moi, pauvre microbe humain, mais, à mon âge, je rougis de me mettre en route pour ce que les petits humains appellent de grands voyages. Pauvres gens ! moi il me semble que je suis tout le temps sur un manège de chevaux de bois et je le répète, à mon âge, ça me rend tout honteux.

— Tu plaisantes !

— Jamais.

— Alors la terre est trop petite pour toi ?

— Pour voyager, oui ; voyons tu es pourtant un garçon sérieux, pondéré et intelligent, toi. Eh bien tu comprends sans peine pourquoi je m’ennuie sur la terre, pourquoi j’ai la nostalgie du mouvement, de l’espace, du plein air, mais du vrai, à travers les mondes !

Comment, quand on sait qu’il y a des milliards de mondes, à travers des milliards de lieues, dans l’espace, je ne peux y aller, malgré ma fortune. Je ne