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connaît rien à ce pays ; les noirs ne sont pas des hommes, ça se mitraille en masse…

Tranquillement, comme tout le monde attendait curieusement ma réponse, je repris :

— Vous me permettez, Monsieur, de ne pas vous répondre ici, en ce moment ; vous savez que je n’admets pas que l’on insulte un homme devant moi ; un noir est mon égal et nous poursuivrons cette conversation sur un autre terrain, quand vous voudrez. Mais pour le moment, à la veille de l’éclipse totale du soleil qui va se produire, je tiens à dire devant vous tous, nombreux et intelligents qui m’écoutez dans ce club, que s’il y a des crimes commis par les noirs — toujours comme résultat de l’éducation superstitieuse que leur a donnée le prêtre — ce seront des crimes sincères et naïfs, permettez-moi ces qualificatifs, tandis que les blancs n’en commettront que de lâches pour profiter de l’impunité du moment…

Je crus un instant que ces braves gens allaient m’écharper sur place :

— Vous êtes trop négrophile, c’est une infamie, vous calomniez votre race. Vous nous insultez, des excuses. Comment placer les civilisés au-dessous des sauvages ? Vous êtes fou, etc., etc.

Je laissai passer l’orage et retomber les poings menaçants qui étaient levés sur moi et, sur un signe impérieux du fonctionnaire, je pus enfin reprendre la parole, et, connaissant l’esprit du yankee :

-— De grâce, Messieurs, du calme, ne discutons pas, parions…