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qu’elle ne renferme que l’expression de la plus exacte vérité.

Je passe sur les compliments d’usage et j’arrive à la partie essentielle :

« … Peut-être trouverai-je en vous, cher monsieur, qui êtes un des fermes défenseurs des revendications des socialistes et des noirs en Amérique, un homme assez courageux pour exposer les faits que je vais vous conter, ou plutôt je n’en doute pas.

Je suis, non pas un noir, mais un homme de couleur, un sang-mêlé, né aux États-Unis ; depuis une dizaine d’années j’étais instituteur dans un gros bourg des environs de New-York. Marié et père de famille, je passais ma vie, fort tranquillement, entre mes devoirs d’instituteur et mes devoirs familiaux, sans autre ambition.

Un beau jour, un enfant d’une douzaine d’années, qui fréquentait ma classe, disparut subitement.

Comme j’étais connu pour avoir des opinions socialistes avancées, que je passais pour être affilié aux sociétés secrètes et que j’avais le malheur — impardonnable ici, dans le pays de la liberté — d’être de couleur, je fus vite accusé d’avoir assassiné l’enfant. La population voulut me lyncher ; sauvé par la police, je fus jugé et condamné à mort, sans preuves, puisque je suis innocent.

Lorsque la sentence fut rendue j’entendis un cri terrible dans la salle, suivi d’une exclamation énergique :

— Je le sauverai.

C’était ma vaillante femme, une noire pur sang,