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que vous mangiez à sa table ou qu’il mange à la vôtre ?

Donc, un jour où j’avais pu pousser avec un arabe une pointe assez lointaine jusque sous sa tente pour y demeurer une semaine et chasser parmi les touffes d’alfas des environs, il me fit l’offre de me mettre un peu au courant des mœurs de son pays, ce que j’acceptai de grand cœur.

— Eh bien, c’est entendu, à ce soir sous la tente, alors que les femmes seront couchées et rentrées chez elles j’irai te retrouver…

Et à l’heure fixée, tout en fumant tranquillement, avec le calme souriant de l’arabe, devant sa petite tasse de café, à moitié couché sur le tapis, il commença ainsi :

— Vous autres, Européens, qui ne voyez que la vie superficielle des arabes, la façon dont nous gardons nos femmes, qui ne sortent que voilées et entre elles dans les rues, vous croyez naïvement qu’il n’y a pas de drames passionnels chez nous et que les maris ne sont jamais trompés ici. Vous vous trompez certainement. La plupart de nos femmes sont fidèles aussi bien par amour que par crainte ; cependant, cela n’empêche pas d’assister de temps en temps à des drames de la jalousie, de l’amour et de la passion terriblement plus violents et plus colorés que chez vous, permettez-moi de vous le dire.

D’abord, chez nous, au désert, sous la tente, l’amoureux est plus audacieux certainement qu’en Europe, du moins d’après tout ce que j’ai entendu dire. Aussi, s’il aime une jeune femme qui est couchée sous une tente, aux côtés de son mari, il s’agit