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compris et comme il avait son fusil sous le bras, d’un geste prompt comme l’éclair, il épaulait.

— Tu vas la tuer, dit la mère…

— Non.

— Mais elle va se tuer en tombant quand il lâchera.

— Plutôt la mort que de la savoir dévorée par ces bêtes cruelles et puis tient l’aigle va passer sur le lac, pas de danger…

Il vise d’un coup d’œil sûr, non pas de l’aigle, lui, mais d’un père au désespoir et la bête tomba la tête fracassée, avec l’enfant qu’elle lâcha, au beau milieu du lac.

Il y avait cent mètres d’eau, peut-être à traverser, mais les bords étaient pleins d’herbes et de vase, il ne fallait pas compter se jeter à la nage. Les chiens filèrent comme le vent et ne tardèrent pas à s’embourber et à se prendre dans les herbes ; nous détachâmes la barque et nous poussâmes à la godille fébrilement ; il s’était bien passé trois minutes, l’enfant flottait toujours avec sa robe rouge, comme une tache sanglante sur le lac bleu, mais la tête en bas. Quand le père la saisit et la mit sur son cœur, plutôt que dans ses bras, elle respirait à peine…

Une demi-heure après elle était déshabillée et frottée énergiquement avec un peu d’alcool camphrée ; je fis la traction rhythmique de la langue, rien n’y fit et elle ne tarda pas à passer dans les bras de ses parents, sous nos yeux, sans spasmes et nous ne comprimes qu’elle était morte qu’au froid et à la raideur cadavérique de ce pauvre petit corps…

À ce moment tous les membres du club nautico-