mathurins, comme disent les amiraux, achevaient le déchargement et le rechargement d’une partie de la cargaison, je m’étais esquivé, histoire de prendre un peu l’air, à travers les faubourgs de la ville que je connaissais d’ailleurs comme ma poche, pour les avoir fréquentés à chaque relâche dans l’ile.
Je m’étais donc dirigé tranquillement vers une maison hospitalière bien connue des marins, et j’avais été fort heureux d’y rencontrer une jeune Anglaise débarquée depuis peu, ne connaissant pas encore le pays, mais parlant assez correctement le français. Or comme je baragouine l’anglais comme une génisse espagnole qui aurait été élevée en Russie, j’étais enchanté de rencontrer cette quasiment compatriote, tout au moins par la langue !
Les formalités d’usage remplies, nous partîmes à l’aventure nous promener un peu. Au bout d’une demi-heure nous étions dans une forêt paradisiaque et, tout à coup redevenu enfant sous le coup des effluves enivrantes de cette forêt tropicale, je m’étais mis à gambader et à cueillir le long des troncs d’arbres une botte d’orchidées, de ces parasites merveilleux qui, à Marseille, auraient valu au moins dix louis et joyeusement je les lui mettais dans les bras. Pendant qu’elle se débattait sous l’avalanche de ces fleurs étranges, je tirai ma pipe — une vieille habitude de loup de mer — la bourrai et l’allumai ; ce fut sa perte.
Sans que je m’en aperçoive, cette folle fille d’Albion, ignorante des terribles dangers de Ceylan, avait ramassé un fil rouge au milieu de la route pour lier sa gerbe de fleurs. Elle tomba foudroyée, morte, sans pousser un cri…