Page:Viau - Œuvres complètes, Jannet, 1856, tome 2.djvu/94

Cette page n’a pas encore été corrigée

Et te faire une révérence
Moins d’amitié que de devoir.
Toutes les complaisances feintes
Où tes affections mal peintes
Ont troublé mes sens hebetez,
Je les tiens pour foibles feintises
Et n’appelle plus que sottises
Ce que je nommois cruautez.
Je ne veux point te descrier
Après l’avoir loué moy-mesme :
Ce seroit tacher d’un blasphème
L’autel où l’on m’a veu prier.
T’ayant prodigué des louanges
Que je ne devois qu’à des anges,
Je ne te les veux point ravir :
Je les donne à ta tyrannie
Pour déguiser l’ignominie
Que j’ay souffert à te servir.
Je ne veux point mal à propos
Mes vers ny ton honneur destruire ;
Mon dessein n’est pas de te nuire :
Je ne songe qu’à mon repos.
Encore auras-tu ceste gloire
Que, si la voix de la mémoire
Parle à quelqu’un de mes douleurs,
On dira que ma servitude
Respecta ton ingratitude
Jusqu’au dernier de mes malheurs.
J’ay souffert autant que j’ay peu ;
Je n’ay plus de nerf pour tes gesnes
Ny goutte de sang dans mes veines
Qui ne se brusle à petit feu.
Je me sens honteux de mes larmes :
Amour n’a desjà plus de charmes.
Je suis pressé de toutes parts,