Page:Viau - Œuvres complètes, Jannet, 1856, tome 2.djvu/93

Cette page n’a pas encore été corrigée

De travailler en vain à chercher du soulas ;
Quoy que le temps prescrit à ceste longue absence
Pour tout ce que je fais d’un seul point ne s’avance,
Je veux persuader à mon ardant amour
Qu’il voit à tous momens l’heure de son retour.
Ainsi dit Mœlibée, et pasle, et las, et triste,
Acheva sa journée en adorant Caliste.


ODE.


Cloris, pour ce petit moment
D’une volupté frénétique,
Croys-tu que mon esprit se picque
De t’aimer éternellement ?
Lors que mes ardeurs sont passées,
La raison change mes pensées,
Et, perdant l’amoureuse erreur.
Je me trouve dans des tristesses
Qui font que tes délicatesses
Commencent à me faire horreur.
A voir tant fuir ta beauté,
Je me lasse de la poursuivre,
Et me suis résolu de vivre
Avec un peu de liberté.
Il ne me faut qu’une disgrâce,
Qu’encore un traict de ceste audace
Qui t’a fait tant manquer de foy.
Après, tiens-moy pour un infâme
Si jamais mes yeux ny mon ame
Songent à s’approcher de toy.
Je me trouve prest à te voir
Avec beaucoup d’indifférence,