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Mais, quelque changement qui te puisse arriver,
Caliste et ses beautez n’auront jamais d’hyver.
Ces humides baisers dont tes rives mouillées
Seront pour quelques jours encore chatouillées
Arresteront enfin leur amoureuse erreur.
Et, s’approchant de toy, se gèleront d’horreur.
Alors que tous les flots sont transformez en marbres,
Lors que les aquilons vont deschirer les arbres,
Et que l’eau, n’ayant plus humidité ny pois,
Fait pendre le cristal des roches et des bois ;
Que l’onde, applanissanT ses orgueilleuses bosses.
Souffre sans murmurer le fardeau des carrosses ;
Que la neige durcie a pavé les marets,
Confondu les chemins avecques les guerets ;
Que l’Hyver renfroigné, d’un orgueilleux empire,
Empesche les amours de Flore et de Zephire ;
Qu’Endimion, vaincu du froid et du sommeil,.
Ne peut tenir parole à la sœur du Soleil,
Qui cependant tousjours va visiter sa place.
Sur le haut d’un rocher tout hérissé de glace :
Moy qui, d’un sort plus humble ou bien plus glorieux,
Sur les beautez du ciel n’ay point jette les yeux,
Qui n’ay jamais cherché cette bonne fortune
Qu’Endimion trouvoitaux beautez de la Lune,
Durant ceste saison où leur ardant désir
Ne trouve à son dessein ny place ny loisir.
Je verray ma Caliste après ce long voyage.
Qui plus que cent hyvers m’a fait souffrir d’orage.
Qui m’a plus ruiné que de faire abysmer
Un vaisseau chargé d’or que j’aurois sur la mer.
Quel outrage plus grand auroit-il peu me faire
Que me cacher un mois le seul jour qui m’esclaire ?
Dieu, hastez donc l’hyver et luy soyez tesmoin
Que le printemps, l’autonne et l’esté valent moins ;
Qu’il despouille les bois, et de sa froide haleine,