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D’une occupation si rare.
Pleust au Ciel qu’il te fust permis
De le voir comme amour l’a mis
Au plus profond de mes pensées !
Car c’est où ses perfections
Paroissent vivement tracées,
Aussi bien que mes passions.
Mais pardonne à ma jalousie :
S’il se peut sans t’injurier,
Laisse-toy derechef prier
De le peindre à ma fantaisie.
Ne demande point à le voir,
Car, pour bien faire ton devoir
Et ne me faire point d’injure,
Tu le peindras comme les Dieux,
De qui tu fais bien la figure
Sans qu’ils soient presens à tes yeux.


ELEGIE.

Proche de la saison où les plus vives fleurs
Laissent esvanouir leur ame et leurs couleurs,
Un amant désolé, melancholique, sombre,
Jaloux de son chemin, de ses pas, de son ombre,
Baisoit aux bords de Loire, en flattant son ennuy.
L’image de Caliste errante avecques luy.
Resvant auprès du fleuve, il disoit à son onde :
« Si tu vas dans la mer qui va par tout le monde,
Fais-la ressouvenir d’apprendre à l’univers
Qu’il n’a rien de si beau que l’objet de mes vers.
Ces fleurs dont le printemps fait voir tes rives peintes
Au matin sont en vie et le soir sont esteintes ;