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Où nostre infirmité se captive et se trompe ;
Un jugement bien sain y sent peu de plaisir,
Et n’y sousmet jamais son glorieux désir.
Ces métaux qu’un avare avidement enserre,
Comme indignes du jour sont cachez sous la terre ;
Si les thresors estoient comme on dit précieux,
Cloris, les diamans nous tomberoient des cieux ;
La perle descendroit avecques la rosée,
Elle ne seroit point aux ondes exposée ;
La mer, qui la vomit, la tiendroit chèrement,
La mer dont l’ambre mesme est comme un excrément ;
Le soleil, qui fait l’or, en auroit des couronnes.
Ainsi je ne veux point, Cloris, que tu me donnes,
Et tu sais bien aussi que je ne pense pas
Que des riches presens soient pour toy des appas :
Car un de mes souspirs que je te fais entendre,
Une goutte de pleurs que tu me vois respandre,
Peuvent plus sur ton ame et te font plus aymer
Que si je te donnois et la terre et la mer.
Je te proteste aussi de n’estre point avare
De tout ce que la mer et la terre ont de rare,
Et qu’un de tes regards me vaut mille fois mieux
Que le gouvernement de l’empire des cieux.


ELEGIE.


J’ay faict ce que j’ay peu pour m’arracher de l’ame
L’importune fureur de ma naissante flame ;
J’ay leu toute la nuit, j’ay joué tout le jour,
J’ay fait ce que j’ay peu pour me guérir d’amour ;
J’ay leu deux ou trois fois tous les secrets d’Ovide,