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Et je croy que le temps m’assistera si bien
Qu’en fin j’accorderay ton désir et le mien.


ELEGIE.
A Monsieur de Pesé.



Unique confident de ma nouvelle flame,
Toy seul que j’ay laissé lire au fond de mon ame,
Toy chez qui mon secret demeure sans danger,
Qui sçais comme tu dois me plaindre et me venger,
Escoute, je te prie, une plainte forcée,
Qu’un vif ressentiment arrache à ma pensée.
Celle à qui j ay donné mon ame à gouverner
Fait le pis qu’elle peut, afin de la damner ;
Tous les jours son orgueil, contre sa conscience,
Par de nouveaux affronts combat ma patience ;
Je ne puis plus porter la pesanteur des fers
Que j’ay depuis deux ans honteusement souffers.
Helas ! quand ma raison remet en ma mémoire
Ce que tu me disois au rivage de Loire,
Lors qu’avec tant d’honneur et de bon traitement
Tu voulois divertir mon mécontentement,
Je me veux repentir d’avoir esté rebelle
A ton opinion, quoy quelle fust cruelle.
Quoy que ce fust m’oster la lumière du jour,
Tu ra’aurois fait plaisir de me guérir d’amour.
Si tu sçavois combien cela me fait de peine.
Combien ceste fureur déguise une ame saine.
Combien ceste molesse enchante la vertu.
Sous quel effort l’esprit y demeure abatu.
Et comment l’honneur mesme y compatit encore,
Tu maudirois pour moy la beauté que j’adore,