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Pour l’assister au cas que son mal le reprit.
Je rappellois desjà le jeu, la bonne chère.
Ma douleur tous les jours devenoit plus légère.
Je dormis la moitié de la seconde nuict ;
L’absence travailloit avec beaucoup de fruict ;
Desjà d’autres beautez avec assez de charmes
Diverlissoient ma peine et tarissoient mes larmes ;
Leur naturel, facile à mon affection,
Avoit mis ton esclave à leur dévotion,
Et, comme une amitié par une autre s’efface.
Chez moy d’autres objects avoient gaigné ta place,
Lors que ta repentance, ou plustost ton orgueil,
Irrité que mes maux estoient dans le cercueil.
Me ramena tes yeux, qui chez moy retrouvèrent
La mesme intelligence alors qu’il arrivèrent ;
Tes regards n’eurent pas examiné les miens
Que je me retrouvay dans mes premiers liens ;
Ma raison se dédit : mes sens, à ton entrée.
Sentent qu’un nouveau mal les blesse et les recrée,
Et, du mesme moment qu’ils ont cogneu leurs fers.
Ils n’ont peu s’empescher qu’ils ne s’y soient offerts.
Caliste, s’il est vray que ton cœur soit sensible
Au feu qui me consume, et qui t’est bien visible ;
S’il est vray que tes yeux, lors qu’ils me vont blesser.
Ont de la confidence avecques ton penser.
Que ma possession te donne un peu de gloire,
Que jamais mon object ait flatté ta mémoire.
Ainsi que tes regards, ta voix et ton beau teint
Ont leur pourtraict fidelle en mon cœur bien empreint,
Considère souvent quel plaisir, quelle peine.
Me fait, comme tu veux, ton amour ou ta haine ;
Pardonne à ma fureur une importunité
Qu’elle ne te fait point avec impunité :
Car je veux que le Ciel m’accable du tonnerre
Si tousjours ma raison ne luy fait point la guerre,