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ELEGIE.

Cruelle, à quel propos prolonges tu ma peine ?
Qui t’a sollicitée à renouer ma chaisne ?
Quel démon ennemy de mes contentemens
Me vient remettre encore en tes enchantemens ?
Mon mal alloit finir, et déjà ma pensée
Ne gardoit plus de toy qu’une image effacée ;
Ma fièvre n’avoit plus que ce frisson léger
Qui du dernier accez achevé le danger ;
Encore un jour ou deux de ton ingratitude,
Et j’allois pour jamais sortir de servitude.
Ce n’estoit plus l’amour qui guidoit mon désir,
Il m’avoit achevé sa peine et son plaisir.
Je songeois aux douceurs que ce printemps présente,
Mes yeux trouvoient desjà la campagne plaisante.
Nous avions fait dessein, mon cher Damon et moy,
D’estre absens quelques jours de Paris et de toy.
Pour faire esvanouyr les restes de la flame
Qui si subitement ont rallumé mon ame.
Tout du premier object ses charmes inhumains
Ont reblessé mon cœur et rattaché mes mains.
Il n’a fallu qu’un mot de ceste voix traistresse.
Que voir encore un coup les yeux de ma maistresse.
Au moins s’il se pouvoit qu’un désir mutuel
Nous eust lié tous deux d’un joug perpétuel.
Que jamais son caprice et jamais ma cholere
N’alterast en nos cœurs le soucy de nous plaire.
Jamais de nos plaisirs n’interrompist le cours.
Je serois bien heureux de l’adorer tousjours.
Lorsqu’à l’extrémité ma passion pressée |
Se voit dans ton accueil tant soit peu caressée.
Et que ta complaisance, ou d’aise et de pitié,
Ne laisse pas long-temps languir mon amitié,