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Et qu’en leur changement les astres inconstans
Me pourront amener un favorable temps,
Mon ame à vostre objet se trouvera changée
Et de tous ces malheurs incontinent vengée.
Quand mes esprits seroient dans un mortel sommeil,
Vos regards me rendront la clarté du soleil ;
Dessus moy vostre voix peut agir de la sorte
Que le zephire agit sur la campagne morte.
Voyez comment Philis renaist à son abord :
Déjà l’hyver contre elle a finy son effort.
Désormais nous voyons espanouir les roses,
La vigueur du printemps reverdit toutes choses,
Le ciel en est plus gay, les jours en sont plus beaux,
L’aurore en s’habillant escoute les oyseaux ;
Les animaux des champs, qu’aucun soucy n’outrage,
Sentent renouveller et leur sang et leur âge.
Et, suivans leur nature et l’appetit des sens,
Cultivent sans remords des plaisirs innocens.
Moy seul, dans la saison où chacun se contente,
Accablé des douleurs d’une cruelle attente,
Languy sans reconfort, et tout seul dans l’hyver
Ne voy point de printemps qui me puisse arriver.
Seul je vois les forests encore désolées,
Les parterres déserts, les rivières gelées,
Et, comme ensorcelé, ne puis gouster le fruict
Qu’à la faveur de tous ceste saison produit.
Mais, lorsque le soleil adoré de mon ame
Du feu de ses rayons reschauffera ma flame,
Mon printemps reviendra, mais mille fois plus beau
Que n’en donne aux mortels le céleste flambeau.
Si jamais le destin permet que je la voye,
Plus que tous les mortels tout seul j’auray de joye.
Dieux ! pour deffier l’horreur du monument,
Je ne demande rien que cela seulement.