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La clarté du soleil ne m’estoit point visible,
La douceur de la nuict ne m’estoit point sensible,
Je sentois du poison en mes plus doux repas
Et des gouffres par tout où se portoient mes pas.
Depuis, rien que la mort n’accompagna ma vie,
Tant me cousta l’honneur de vous avoir suivie.
Dieux qui disposez de nos contentemens.
Les donnez-vous tousjours avecques des tourmens ?
Ne se peut-il jamais qu’un bon succez arrive
A l’estât des mortels qu’un mauvais ne le suive ?
Meslez-vous de l’horreur au sort plus gracieux
De celuy des humains que vous aimez le mieux ?
Icy vostre puissance est en vain appellée ;
Comme un corps a son ombre, un costau sa valée ;
Ainsi que le soleil est suivy de la nuict,
Tousjours le plus grand bien à du mal qui le suit.
Lorsque le beau Paris accompagnoit Heleine,
Son ame de plaisir voit la fortune pleine ;
Mais le sort ce bonheur cruellement vengea :
Car, comme avec le temps la fortune changea,
De sa prospérité nasquit une misère
Qui fît brusier sa ville et massacrer son père.
Bien que dans ce carnage on vist tant de malheurs,
Qu’on versast dans le feu tant de sang et de pleurs,
Je jure par l’esclat de vostre beau visage
Que pour l’amour de vous je souffre davantage :
Car, si long-temps absent des grâces de vos yeux.
Il me semble qu’on m’a chassé d’auprès des Dieux
Et que je suis tombé par un coup de tonnerre
Du plus haut lieu du ciel au plus bas de la terre.
Depuis, tous mes plaisirs dorment dans le cercueil.
Aussi vrayment depuis je suis vestu de dueil.
Je suis chagrin par tout où le plaisir abonde.
Je n’ay plus nul soucy que de desplaire au monde.
Comme, sans me flatter, je vous proteste icy