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SONNET.


Sacrez murs du soleil où j’adoray Philis,
Doux séjour où mon ame estoit jadis charmée,
Qui n’est plus aujourd’huy sous nos toicts demolis
Que le sanglant butin d une orgueilleuse armée ;

Ornemens de l’autel, qui n’estes que fumée,
Grand temple ruyné, mystères abolis.
Effroyables objects d’une ville allumée,
Palais, hommes, chevaux, ensemble ensevelis ;

Fossez larges et creux tous comblez de murailles,
Spectacles de frayeur, de cris, de funérailles,
Fleuve par où le sang ne cesse de courir ;

Charniers où les corbeaux et les loups vont repaistre,
Clerac, pour une fois que vous m’avez faict naistre,
Helas ! combien de fois me faites-vous mourir ! [1]


POUR UNE AMANTE IRRITÉE.


SONNET.


Ceux qui tirent le cœur par les traits du visage
Remarquent dans le tien des signes de valeur ;
Mais comme la vaillance est tousjours un presage
Qui promet de la gloire avecque du malheur,

J’espère que la mort avecques sa pasleur
Couvrira tes beautez de sa funeste image.
Et que ton jeune sang tout remply de chaleur
Viendra faire à ton dam preuve de ton courage.

  1. L’armée du roi fut arrêtée devant Clairac, le 5 août 1621 ; après douze jours de siège, la ville se rendit. Ce siège précéda celui de Montauban.