Page:Viau - Œuvres complètes, Jannet, 1856, tome 2.djvu/54

Cette page n’a pas encore été corrigée

Cloris, renouvellant ma chaisne presque usée
Et renforçant mes doux liens,
M’a rendu plus heureux que l’amy de Thésée,
Quant Pluton relascha les siens.
Desjà ma liberté faisoit trembler mon ame,
Mon salut me faisoit périr ;
Je mourois du regret d’avoir tué ma flame.
Combien qu elle me fist mourir.
Sortant de ma prison, je me trouvois sauvage,
J’estois tout esblouy du jour ;
De tous mes sentimens j’avois perdu l’usage,
En perdant celuy de l’amour.
Ainsi l’oyseau de cage, alors qu’il se délivre
Pour se remettre dans les bois,
Treuve qu’il a perdu l’usage de son vivre,
De ses aisles et de sa voix.
Dieux ! où cet advanture avoit porté ma vie !
Je fremissois de son orgueil ;
Cependant je sentois que je mourois d’envie
De l’adorer jusqu’au cercueil.
Cloris, travaillez bien à desnouer ma chaisne :
Mon joug est très bien asseuré ;
Vous seriez fort long-temps pour me mettre en la peine
Dont vous m’avez si tost tiré.
Je ne suis pas si fol que d’escouter encore
Les censures de ma raison,
Et, combien que mon mal eust besoin d’ellébore.
Je prendrois plustost du poison.